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Titel
Helvetia sacra IV/3: Die Prämonstratenser und Prämonstratenserinnen in der Schweiz.


Herausgeber
Andenmatten, Bernard; Degler-Spengler, Brigitte
Reihe
Helvetia sacra IV/3
Erschienen
Bâle 2003: Schwabe Verlag
Anzahl Seiten
591 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Jean-Daniel Morerod

Prestigieuse entreprise d’études des institutions ecclésiastiques, Helvetia sacra offre ici un volume renfermant les monastères prémontrés du territoire suisse actuel et leurs dépendances. Ces monastères appartiennent, pour la plupart, aux premiers développements de cet ordre de chanoines, né sous l’impulsion de saint Norbert dans l’effervescence réformatrice du début du XIIe siècle. Leur fondateur est allemand et ils doivent leur nom à un monastère situé près de Laon, mais les prémontrés ont eu quelque chose de «suisse» dès l’origine, puisque leurs débuts sont marqués par la personnalité du bienheureux Barthélemy de Grandson, évêque de Laon: il favorisa leurs débuts et joua certainement un rôle dans leur implantation en «Suisse romande». C’est en effet Saint-Martin de Laon, abbaye de sa ville épiscopale qu’il avait confiée au nouvel ordre, qui fonda vers 1130 l’abbaye prémontrée du Lac de Joux. Le Lac fut, durant toute son histoire, en relation avec la famille de Grandson.

La logique «nationale» d’Helvetia sacra fait cohabiter dans ce livre des monastères qui n’ont guère eu de rapports dans l’histoire et qui appartenaient à des circonscriptions prémontrées différentes. Il y a les établissements «occidentaux» – le Lac de Joux, Fontaine-André, Bellelay, Humilimont, Gottstatt, etc. – et «orientaux» – Ruti, Coire, etc. –, monastères du XIIe-XIIIe siècle pour l’essentiel. C’est une histoire morte: ils ont disparu soit à la Réforme, soit à la Révolution. Il ne reste qu’un monastère à tout point de vue atypique, celui des sœurs du Tiers-Ordre prémontré de Berg Sion (Notre-Dame de Lorette du Mont-Sion), dans le canton de Saint-Gall, fondé en 1766 seulement.

L’historien ou le lecteur neuchâtelois trouvera surtout dans ce volume une mise au point de l’histoire de Fontaine-André, réalisée par Germain Hausmann (pp. 345-381). Occupé actuellement par des frères des Ecoles chrétiennes, Fontaine- André, au-dessus de la route de Neuchâtel à Hauterive, apparaît comme un domaine aristocratique, mais des vues anciennes le montrent sous une apparence monastique jusque dans les années 1770, date de la démolition de l’église. Fontaine-André a été, jusqu’à la Réforme, le principal monastère neuchâtelois. Du XIIe au XIVe siècle, on peut le considérer comme un point d’appui à la fois pour la ville de Neuchâtel, alors dans son premier développement, et pour la dynastie locale dans sa période d’affirmation. Relevons en passant que les Neuchâtel seront très attachés aux prémontrés, puisque la branche aînée, les Neuchâtel Nidau, fondera l’abbaye de Gottstatt et l’utilisera comme nécropole (v. p. 388).

La mise au point de l’histoire de Fontaine-André commence par l’examen critique des traditions qui déforment l’histoire des origines de l’abbaye; ce travail de clarification laisse peut-être survivre une légende, celle de la destruction par le feu d’une partie des documents originaux de Fontaine-André, lorsque le grand incendie de Neuchâtel, en 1714, détruisit le domicile de l’érudit Choupard. On a certes conservé des volumes de notes et de copies de documents de Fontaine-André réalisés par Choupard, et on sait que son domicile a été atteint par les flammes (Musée neuchâtelois, 1877, p. 102), mais est-on bien sûr que l’incendie a détruit des documents relatifs à l’abbaye? Cette affirmation – que l’on trouve déjà en 1865 dans l’Essai historique de l’abbé Jeunet, p. 13 – rappelle trop, pour être crédible, la fiction de la disparition du manuscrit de la Chronique du chapitre de Neuchâtel durant ce même incendie chez le même Choupard, fiction accréditée par le conseiller d’Etat Abraham Pury, qui la composa au milieu du XVIIIe siècle.

Les sources, assez nombreuses – 650 actes environ et quelques volumes de reconnaissances – sont avant tout juridiques, comme c’est d’ordinaire le cas des monastères sécularisés à la Réforme: les manuscrits et documents spirituels n’ont pas été conservés, à l’exception de deux obituaires – répertoires des donations pieuses classées par jour de décès – dont l’intérêt juridique explique peut-être la conservation.

Les sources ont été largement mises à profit. On appréciera entre autres le travail de reconstitution de la liste des abbés de Fontaine-André et de leurs biographies; les listes plus anciennes étant sans grande valeur. De nombreux thèmes sont étudiés avec précision, comme les rapports institutionnels et les relations avec l’extérieur, la localisation du patrimoine ou l’administration de l’hôpital de Morat, dépendance de l’abbaye et origine de la chapelle commémorative de la bataille de 1477.

C’est dans le cadre solidement tracé par Helvetia sacra que devra s’inscrire toute nouvelle étude, à commencer par celle des bâtiments, déjà faite pp. 351-352, mais qui pourra bientôt être complétée; en effet, le domaine a été classé monument historique en 2002, et les sondages archéologiques entrepris ont notamment révélé que la grange a des murs romans, ce qui en fait un des plus anciens bâtiments neuchâtelois; par ailleurs, on commence à mieux connaître l’église primitive du monastère, romane: v. Jacques Bujard, «Les églises neuchâteloises à l’aube du Moyen Age», dans Archéologie suisse, 25/2 (2002), pp. 58-65. Les obituaires sont importants même pour l’histoire des constructions, comme en témoigne cette notice: aux ides de mars, anniversaire de Dom Conon de Crostau, chanoine de Soleure, qui nous donna 30 marcs d’argent avec lesquels nous édifiâmes l’aula derrière l’église (Petit Obituaire, Bibliothèque des Pasteurs, déposé aux Archives de l’Etat de Neuchâtel, carton 12, fol. 89v: Idibus marcii, obiit dominus Cono de Crostau, canonicus Solodorensis, qui dedit nobis XXX marcas argenti, de quibus edificavimus aulam retro ecclesiam). Grâce à l’aide de M. Silvan Freddi, des Archives d’Etat de Soleure, il a été possible d’identifier le donateur avec un chanoine de Saint-Ours nommé Kuno von Krauchthal, attesté de 1208 (Solothurner Urkundenbuch, t. 1, pp. 153-154: Cono de Crohtal) à 1249 (t. 2, p. 25: Cono de Crostal), que l’on connaissait déjà comme bienfaiteur de Fontaine-André par une donation de biens à Nugerol, faite en 1249 avec son frère Konrad. Quant à cette aula derrière l’église, qu’est-ce donc? Aulaa trop de sens pour qu’on puisse l’interpréter à coup sûr; dortoirserait ici l’un des sens les plus satisfaisants.

S’il ne reste pas grandes traces de la vie spirituelle de Fontaine-André, les obituaires laissent entrevoir tout un petit monde de donateurs gravitant autour de l’abbaye, chanoines et bourgeois de Neuchâtel, familiers ou «confrères» de l’abbaye, convers, etc. Une seule citation suffira à donner une idée de la richesse de cette source: le 13e des calendes de juillet, anniversaire de Mermette de Benex, recluse du Fay, de Sibilette sa sœur, d’Etienne Vaucher, donzel de Vautravers, époux de Sibilette, Jeannette leur fille, pour lesquels, pour elle-même et pour ses ancêtres Mermette donna... (Petit Obituaire fol. 97v: au 13 des kalendes de juillet obiit Mermeta de Benex, inclusa dou Fay, Sibilleta eius soror, Stephanus Waucherii, domicellus de Valletransversa, maritus dicte Sibillete, Johanetta eorum coniugum filia, pro quibus se ipsa et omnibus antecessoribus suis eadem Mermeta dedit...). Outre Fontaine-André, qu’elle charge d’entretenir la mémoire familiale, la recluse et, peut-être, son reclusoir (il faudrait enquêter sur ce Fay) concerneraient un précédent volume d’Helvetia sacra, Die Beguinen und Begarden in der Schweiz, Bâle 1995, où étaient répertoriés les cas connus de béguines et de reclus, sans que Neuchâtel y apparaisse.

Citation:
Jean-Daniel Morerod: Compte rendu de: Bernard Andenmatten et Brigitte Degler-Spengler (dir.), Helvetia sacra IV/3: Die Prämonstratenser und Prämonstratenserinnen in der Schweiz, Bâle, Schwabe, 2003, 591 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 141-3, 2004, p. 189-191.

Redaktion
Veröffentlicht am
09.11.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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